S ort du régime indemnitaire en cas de congés de maladie

Actualité juridique et statutaire

26 Mai 2023

primes

[RÉGIME INDEMNITAIRE ET CONGÉS DE MALADIE ]

Nous vous proposons notre analyse sur le sort du régime indemnitaire pendant un congé de maladie [à jour de la décision du Conseil d'Etat du 22 novembre 2021].

Comment les collectivités doivent-elles procéder si elles souhaitent délibérer sur ce sujet ?

 

 

 

Etat des lieux

Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit l’obligation de maintenir le régime indemnitaire en cas d’absence pour congés de maladie dans la fonction publique territoriale.

Il appartient donc à l’organe délibérant de se prononcer pour le maintien ou non des primes pendant les congés de maladie, dans le respect du principe de parité avec la fonction publique de l’Etat.

Ce principe est rappelé à l’article 88 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 en vertu duquel les collectivités doivent fixer par délibération leurs régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les fonctionnaires d’Etat. Lorsque les services de l'Etat bénéficient d'une indemnité servie en deux parts (c’est le cas du RIFSEEPinfo-icon avec une part IFSE et une part CIA), l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts ne puisse dépasser le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat.

Les articles 1er et 2 du décret n°91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 précité précisent que l'assemblée délibérante fixe la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires, sous réserve que le régime indemnitaire ne soit pas plus favorable à celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes.

Part relative à l’exercice des fonctions (IFSE)
En vertu du principe de parité avec la fonction publique de l'Etat, le juge administratif (notamment dans une décision récente du Conseil d'Etat du 22 novembre 2021 [1]) a invalidé des délibérations relatives au régime indemnitaire prévoyant un maintien des primes relatives à l’exercice des fonctions pendant les congés de longue maladie (CLM) ou de longue durée (CLD) dès lors que ce maintien n’est pas prévu pour les fonctionnaires d’Etat. La préfecture avait d’ailleurs rappelé ces éléments aux collectivités de Loire-Atlantique dans son flash-info paru le 22 novembre 2019.

La liste des congés ouvrant droit au maintien des primes dans la fonction publique d’Etat est fixée par le décret n°2010-997 du 26 août 2010.

Ainsi, dans la fonction publique d’Etat, en cas de congé de maladie, le maintien du régime indemnitaire (hors primes tenant compte des résultats et de la manière de servir) dans les mêmes proportions que le traitement est expressément prévu en cas de congé de maladie ordinaire (CMO) et de congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Le décret exclut toutefois la possibilité de maintenir le régime indemnitaire durant un congé de longue maladie (CLM) ou un congé de longue durée (CLD).

Par sa décision du 22 novembre 2021, le juge administratif du Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la CAA de Nancy du 17 novembre 2020, n°19NC00326, qui avait permis le maintien du versement intégral de l'IFSE aux fonctionnaires placés en CLM ou en CLD.

Par conséquent, selon le contrôle de légalitéinfo-icon et le juge administratif, en vertu du principe de parité avec la fonction publique d’Etat, une délibération peut maintenir la part du régime indemnitaire relative à l’exercice des fonctions seulement en cas de CMO ou de CITIS mais elle ne peut pas le maintenir en cas de CLM ou de CLD.

[1] CE, 22 novembre 2021, n°448779

Part relative à la manière de servir et aux résultats (CIA)

Pour les fonctionnaires de l’Etat, les absences pour maladie n’entrainent pas la diminution automatique de la part du régime indemnitaire liée aux résultats et à la manière de servir (exemple du CIA).

En effet, le décret n°2010-997 du 26 août 2010 précité dispose que les primes qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables.

Sur ce point, la circulaire n° BC1031314C du 22 mars 2011 prise en application de ce décret précise que :

« La part liée aux résultats a vocation à être réajustée, après chaque évaluation annuelle, pour tenir compte de l’atteinte des objectifs et de la manière de servir, appréciées au titre de la période antérieure. Dans ce cadre, il appartient au chef de service d’apprécier si l’impact du congé sur l’atteinte des résultats, eu égard notamment à sa durée et compte tenu de la manière de servir de l’agent, doit ou non se traduire par un ajustement à la baisse l’année suivante. Ce dispositif permet ainsi de valoriser une personne qui, en dépit d’un congé, s’est investie dans son activité et a produit les résultats escomptés.

Un agent qui serait absent pour maladie pendant 4 mois pourrait ainsi percevoir la part liée aux résultats de la PFR au même niveau que la période précédente s'il atteint, en 8 mois, les objectifs qui lui étaient assignés pour une période d'un an.

La part liée à l’atteinte des résultats n’a, par conséquent, pas vocation à suivre systématiquement le sort du traitement, contrairement à la part liée à l’exercice des fonctions. »

Dès lors, en application du principe de parité avec la fonction publique de l'Etat, le juge administratif (CAA Versailles, 31 août 2020, n°18VE04033) a juge illégale une délibération prévoyant la modulation du montant du CIA en fonction de l’absence des agents. A cette occasion, la CAA de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (TA Cergy-Pontoise n° 1804975du 11 octobre 2018) qui avait au contraire estimé qu'une collectivité pouvait moduler le CIA selon les absences des agents.

Par conséquent, selon le juge administratif, en vertu du principe de parité avec la fonction publique d’Etat, une délibération ne peut pas prévoir une modulation du CIA selon les absences des agents. Il est modulé en fonction de l’engagement professionnel et des résultats des agents.

rémunération

Concrètement, à la lecture de ces éléments, comment les collectivités doivent-elles procéder si elles souhaitent délibérer sur ce sujet ?

Voici notre éclairage selon deux situations :

  • La délibération envisagée ne prévoit pas le sort du régime indemnitaire pendant les congés de maladie.
IFSE CIA

L’IFSE ne peut pas être maintenu pendant les congés pour indisponibilité physique (CMO, CITIS, CLM, CLD). La collectivité doit cesser de verser l’IFSE dès le premier jour d’absence.

Afin d’éviter d’éventuelles difficultés d’interprétation, il est conseillé de prévoir expressément dans la délibération le maintien ou non de l’IFSE en cas de congés de maladie.

La collectivité module le CIA uniquement en fonction de l’engagement professionnel et de la manière de servir (se référer aux critères fixés dans la délibération).

  • La délibération envisagée prévoit le sort du régime indemnitaire pendant les congés de maladie.
 

IFSE

CIA
La collectivité applique les règles relatives aux fonctionnaires de l’Etat :

CMO/CITIS : Maintien de l’IFSE dans les mêmes proportions que le traitement

CLM/CLD : Pas de maintien

(Interprétation retenue par le contrôle de légalité et le Conseil d'Etat)

Pas de modulation du CIA selon les absences : modulation en fonction de l'engagement professionnel et de la manière de servir, selon les critères définis par délibération (Interprétation retenue par la CAA de Versailles)

La collectivité applique ses règles propres :

CMO/CITIS : Absence de maintien de l’IFSE (choix possible car il respecte le principe de parité avec la fonction publique d'Etat).

CLM/CLD : Maintien de l’IFSE dans les mêmes proportions que le traitement (ATTENTION : Interprétation qui était retenue par l'arrêt isolé de la CAA de Nancy, annulé par le Conseil d'Etat = délibération illégale au regard de l'arrêt du Conseil d Etat).

Modulation du CIA selon les absences (ATTENTION : Interprétation qui était retenue par le jugement du TA de Cergy-Pontoise, annulé par la CAA de Versailles = délibération illégale au regard de la décision de la CAA Versailles).

La délibération prévoit le maintien de l'IFSE en cas de CLM/CLD et/ou le versement du CIA selon un critère d'absentéisme : faut-il la modifier ?

L'administration doit s'abstenir d'appliquer un règlement illégal, même lorsque cet acte n'a pas été censuré par le juge administratif et est donc encore en vigueur (CE, Sect., 14 nov. 1958, Ponard). Par ailleurs, saisie d'une demande en ce sens, l'administration est tenue d'abroger un règlement illégal, soit en raison d'un vice originel soit à la suite d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait (CE, Ass., 3 févr. 1989, Compagnie Alitalia).

En application de ces éléments, une délibération RIFSEEP illégale (car fixant un critère d'absentéisme pour le CIA et/ou un maintien de l'IFSE en cas de CLM/CLD) ne peut être appliquée par la collectivité. Il convient donc de modifier la délibération afin d'en modifier les dispositions pour l'avenir.

 

A noter : Pour le congé de maternité, le congé de paternité et le congé pour adoption, il est désormais expressément prévu à l’article 88 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 le maintien du régime indemnitaire dans les mêmes proportions que le traitement. Le régime indemnitaire ne pourra dans ce cas être modulé qu’en fonction de l’engagement professionnel de l’agent et des résultats collectifs du service sur les périodes travaillées. Le régime indemnitaire ne pourra pas être réduit en proportion de la durée du congé.

 

Pour la période de préparation au reclassement (PPRinfo-icon), aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de règle. Le régime indemnitaire peut être maintenu si la délibération le prévoit expressément. 

Pour le temps partielinfo-icon thérapeutique, le décret n°2010-997 du 26 août 2010 a été modifié et prévoit désormais expressément le maintien du régime indemnitaire dans les mêmes proportions que le traitement pour les fonctionnaires de l'Etat. Dès lors, en application du principe de parité avec la fonction publique de l'Etat, les collectivités peuvent prévoir par délibération le maintien du régime indemnitaire dans les mêmes proportions que le traitement en cas de service à temps partiel thérapeutique. Pour rappel, jusqu'alors, la circulaire ministérielle du 15 mai 2018 prévoyait un maintien du régime indemnitaire au prorata de la quotité du temps partiel (le régime indemnitaire ne suivait pas le traitement).

Références juridiques :

Loi n°84-53 du 26 janvier 1984 (article 88)

Loi n°2019-628 du 6 août 2019

Décret n°91-875 du 6 septembre 1991

Décret n°2010-997 du 26 août 2010

CE, 22 novembre 2021, n°448779

CAA Nancy du 17 novembre 2020 n° 19NC00326

CAA Versailles du 31 août 2020, n°18VE04033

CAA Paris du 4 avril 2021 n°20PA01766

TA Cergy-Pontoise du 11 octobre 2018, n°1804975